Enfin ! Enguerrand avait enfin terminé son périple. Circuler dans différents comtés et duchés sur le pied de guerre n'était pas chose aisée, même lorsqu'on dispose de belles lettres de créances en bonnes et dues formes. Le grand Tolédan poussa un profond soupir et mit pied à terre devant l'entrée de la chancellerie angevine. Distraitement, il chassa la poussière de sa tenue écarlate : il n'avait pas chevauché longtemps, pourtant - son auberge se situant à quelques lieues à peine de l'imposante bâtisse - mais une fine poudre dorée couvrait déjà sa tenue écarlate. Habituellement, ce genre de considération laissait le cavalier de marbre. Aujourd'hui, cela le chiffonnait. Il était hors de question qu'il se présente en ayant l'air d'un gueux, c'était un coup à prendre un sacré savon en rentrant à la maison. Enguerrand, donc, une fois dépoussiéré et assuré de sa mise, laissa sa monture aux soins d'un palefrenier et s'approcha de la porte de l'édifice. Avisant un garde, il s'approcha de lui pour quérir de plus amples renseignements sur le protocole à suivre dans ce lieu.
Bonjour voisin, lui dit-il d'un ton affable où une pointe d'accent castillan mettait une touche de soleil et d'exotisme. Permettez-moi de me présenter. Je me nomme Enguerrand de Laigny. J'ai été nommé ambassadeur du Béarn auprès de l'Anjou et suis venu prendre mes fonctions. A qui puis-je ou dois-je m'adresser pour accomplir mon devoir ?
La réaction du planton ne fut pas tout à fait celle qu'Enguerrand escomptait. Au lieu de lui fournir des renseignements, l'animal détala et s'engouffra dans la chancellerie, le plantant là, en plein cagnard. Tout en espérant que son interlocuteur aux pieds ailés aille chercher une personne peut-être plus apte à répondre à ses questions, le grand Tolédan, devenu ambassadeur malgré lui, décida d'attendre sagement de savoir à quelle sauce il serait mangé.